jeudi 4 février 2016

Quand la dépression inhibe la créativité

J'ai longtemps hésité à publier cet article, parce que ce blog est un espace d'expression créative. Mais après tout, la créativité à parfois un plomb dans l'aile. Aussi, ce que je vais partager maintenant n'a rien de créatif, mais je ressens le besoin de le partager simplement parce que des personnes dans mon entourage sont concernées, et que je ne sais pas comment en parler autrement qu'à travers ce blog (je suis une incroyable handicapée des relations directes, c'est dur...).

J'ai eu au cours de ma vie 2 épisodes dépressifs. Un post-partum, et un autre un peu plus tard. La dépression, c'est tout pourri. D'abord parce que tu te sens infiniment merdeux, et parce que quoi que tu fasses, tu vas pas en sortir tout seul. Surtout que d'abord, tu ne l'admets pas. "Non, t'es juste plus fatiguée que d'habitude, t'as un peu les nerfs à fleur de peau, mais c'est rien, ça va passer. T'as envie de rien faire, mais c'est l'hiver, ça ira mieux au printemps. T'as pas le temps de faire tout ce que tu dois, mais aussi, t'as trop de trucs à gérer en même temps, c'est pas ta faute. Tu pleures, le soir, quand tu en as la force. Tu sais plus pourquoi, mais c'est rien, un p'tit blues qui va disparaitre. Tu te sens vide. Parfois, tes forces autant que tes pensées ont désertées, il ne reste qu'un emballage tout mou, tout moche. T'as plus aucune imagination pour bricoler. En même temps, ça sert à rien, hein, tes bidouilles et tes pauvres imitations de scrapbooking... Mais franchement, t'as aucune raison de déprimer. Si tu étais une réfugiée syrienne qui trimbale deux enfants dénutris, ou que tu souffrais d'un mal incurable, t'aurais le droit d'être dépressive. Mais, là, sérieux, ta vie n'a rien de très difficile, alors t'as pas de raison d'être mal."

Ce discours qu'on se fait à soi-même, je me le suis tenu, longtemps. En boucle. Il t'enferme, te donne mal à la tête. Tu te dis que t'as pas le droit. Tu te dis que t'es plus forte que ça.
Parfois, de façon saugrenue, tu te dis que si tu devais mourir dans une heure, ben tant mieux. Tu t'en fous. Puis tu te dis que t'abuses, et tu essaies d'esquiver cette pensée, mais elle ne va jamais bien loin.

T'es forte, putain ! T'es forte ! C'est pas une dépression, juste un coup de mou, ça va passer. Mais seul le temps passe. Ta douleur, elle, s'inscrit dans ta peau. Comme un tatouage. Tu peux mettre un pull dessus quand tu vas en soirée. Personne le voit, mais toi tu sais qu'il est là. Tu peux le frotter tant que tu veux sous la douche, avec énergie, avec désespoir... Tu n'arrives même pas à l'atténuer ne serait-ce qu'un peu. La dépression, c'est un truc de faible. C'est pas toi. T'es pas concernée. Puis les psy, tous des cons, qui vont te parler de ta mère. La mienne est cool, merci, qu'on me fasse pas chier.

Le temps passe, encore, et tu te vides, encore un peu plus. Un matin, tu n'as plus la force de te lever. Tu n'as même plus la force de pleurer. Tu te demandes si ça fait mal, de passer sous un train, et tu cherches mentalement la gare la plus proche. Tu te ressaisis, t'appelle une copine. Elle t'écoute, patiemment, t'as l'impression de l'emmerder plus qu'autre chose. C'est tabou, la dépression. C'est moche. C'est un truc de bas-fond social. Tu vas pas consulter les sites Internet qui abordent le sujet, parce que tu veux pas t'abaisser à ça. Puisque tu te redis que t'es pas en dépression, que ça va passer.

Ecoute, lecteur, lectrice, de tout horizon. La dépression, tu ne la choisis pas. Elle s'invite, elle te demande pas ton avis. Et perso, je crois que non, effectivement, tout le monde n'est pas candidat à la dépression. Si elle te tombe dessus, c'est pas parce que t'es moins qu'un autre. Au contraire. C'est parce que tu as une intelligence émotionnelle surdimensionnée. Tu sens les choses, tu es hypersensible. C'est pas une tare, c'est une belle qualité ! Mais elle demande à être maitrisée... Je crois même que seuls les gens dénués d'émotion sont à l'abri, et franchement, je ne voudrais pas de leur vie stérile...
Ecoute-moi, toi qui sombre aussi doucement mais sûrement que le Titanic. Une vraie dépression, t'en sors pas tout seul. Ni avec tes copines, elles sont pas psy. Non, les psy ne sont pas tous des cons, et les anti-dépresseurs ne sont pas que de la merde. T'en as besoin, temporairement. De l'un et de l'autre. Des médicaments, que ton médecin te prescrira à faible dose, pour anesthésier un peu la douleur (et non pas ton cerveau), et d'un bon psy, dont la fonction est d'être facilitateur pour que tu trouves en toi les ressources de taper du pied au fond de la piscine pour ressortir la tête de l'eau. Si le premier que tu vois ne t'accroche pas, change, trouves-en un avec lequel tu auras un bon feeling. Et vis à nouveau ! Apprends à maitriser ces émotions qui te permettent d'être empathique avec ceux qui souffrent, quand tu es en forme, mais qui peuvent t'anéantir quand tu perds pied. Ne te ferme pas, ne les refuse pas. Guéris de ce mal qui te ronge, et à nouveau, aime, crée, partage, écoute,... VIS !

Et toi, lecteur, lectrice, qui n'est pas concerné, sois sympa, change ton regard sur la dépression. Non, un dépressif n'est pas un faible. Non, il ne s'y complait pas, et oui, tes commentaires de merde ne servent à rien, alors garde-les pour toi.
 
J'ai été au fond de la piscine. Que dis-je, de l'étang : l'eau est tellement trouble que tu ne sais plus de quel côté est la surface. C'est pas une fatalité, mais j'ai pas réussi à me débrouiller seule, et pourtant, j'avais des amis et une famille pour me soutenir. Ai-je acquis les clé pour ne plus replonger ? Je ne sais pas encore. Ai-je acquis l'expérience pour aider quelqu'un qui vit la dépression ? Non, je ne crois pas. Mais je peux écouter, épauler, encourager, prier. Et parce que j'en suis sorti, j'ai retrouvé le plaisir de créer, de partager, de vivre pleinement ce que je suis. Et je souhaite instamment à chaque personne qui traverse ce désert de trouver l'issue, parce que la vie est belle, mais courte, vivons-là pleinement !

2 commentaires:

  1. Difficile, très difficile même, je suis contente que tu en sois sortie. J'espère que la créativité et le blogging t'aideront à rester la tête hors de l'eau. Hâte de découvrir tes nouvelles créations, parce que la vie est belle <3

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    1. Merci. Et oui, c'est une période toute pourrie, mais c'est derrière, j'espère définitivement. Juste une pensée pour ceux et celles qui sont en rade au bord du chemin... <3

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